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Robotique
Les drones redessinent la profession

En quelques années, les drones ont pris une place éminente dans le travail des géomètres-experts. Une évolution technologique exponentielle a en outre permis de démocratiser l’accès à ces outils, déployés aujourd’hui massivement dans les airs, et demain de façon plus significative sur terre comme en mer. Au côté de l’intelligence artificielle, ces machines dessinent une partie de l’avenir de la profession, qui peut se saisir de cette technologie pour renforcer son positionnement en tant que garant de la mesure.
Samuel Ribot | Le samedi 1 février 2025
Un simple survol ne suffit pas toujours. Les géomètres-experts sont les seuls à pouvoir proposer une approche combinant diverses technologies. © Kadmy / Adobe Stock

Qui ne les a pas vus planer un jour au-dessus de sa tête? Autrefois objets de science-fiction, les drones sont partout: sous le sapin de Noël, au-dessus des autoroutes, à l’aplomb des champs de bataille, sur les plateaux de cinéma, au cœur des chantiers, des champs d’éoliennes et des lignes à haute tension et... dans les mains de plus en plus de géomètres-experts. 
Débarqués dans la deuxième moitié des années 2000, ces «aéronefs télépilotés» ont révolutionné bon nombre de pratiques, dont évidemment celles des professionnels de la mesure. A tel point qu’on distingue aujourd’hui deux catégories: ceux qui ont franchi le pas, et les autres. «Les drones aériens ont totalement transformé notre manière de travailler», confirme Jean-Yves Mas, co-fondateur du cabinet Parallèle 45, à Lacanau, pionnier dans le domaine. 
Le drone a démocratisé la prise de vue aérienne, jusque-là cantonnée à l’usage de l’avion ou de l’hélicoptère, une prestation hors de prix. Aujourd’hui, avec des technologies devenues accessibles, le géomètre-expert n’est plus cantonné au sol. Survoler une exploitation agricole pour en vérifier les limites, inspecter un monument historique pour en dresser un jumeau numérique, estimer les volumes disponibles dans une carrière, vérifier l’état d’un bâtiment, faire le relevé topographique d’une falaise, ausculter les eaux d’un port ou l’état d’une digue: toutes ces opérations sont optimisées par l’utilisation du drone. 

Un marché à reconquérir
Revers de la médaille technologique, d’autres acteurs se sont emparés de ces outils. Il y a huit ans, dans ces mêmes colonnes (lire notre dossier dans Géomètre n°2150, septembre 2017), le géomètre-expert Benoît Greuzat prévenait: les professionnels qui ne s’intéresseraient pas aux drones feraient «une erreur monumentale». «Malheureusement, ils ne se sont pas tous saisis de cette opportunité, constate-t-il aujourd’hui. Beaucoup d’acteurs autres que les géomètres-experts ont investi ce marché, en s’appuyant sur un matériel et des logiciels très faciles d’utilisation. Cela a été difficile de contrer cet effet de masse, cette ubérisation de la mesure par drone, qui nous a fait perdre beaucoup de marchés.» La situation s’est toutefois quelque peu rétablie: «Pas mal d’acteurs ont périclité, observe Benoît Greuzat. Mais d’autres se sont professionnalisés et sont pour certains devenus des références. Le résultat, c’est qu’une partie du marché de la photogrammétrie par drone, sur lequel la profession aurait dû être idéalement placée, a échappé aux géomètres-experts.» 



© Elmira / Adobe Stock



La profession s’est pourtant organisée. Du petit cabinet aux plus grosses structures, le sujet est ancré dans les habitudes de beaucoup. Chez TT Géomètres-experts, il est même au cœur du travail du pôle innovation et R&D. Et la qualité du service rendu reste inégalable. «Certains donneurs d’ordres qui avaient sollicité des opérateurs de drone se sont retrouvés avec des données totalement erronées, confirme Benoît Greuzat. Ceux-là ont compris que le géomètre-expert pouvait non seulement garantir la fiabilité de la donnée mais aussi proposer des solutions répondant précisément au besoin exprimé, quitte à combiner l’utilisation du drone avec d’autres techniques. Parce qu’il y a de la végétation, des pièces d’eau, des reflets qui imposent de combiner les approches. Sur une carrière, par exemple, un simple survol ne suffit pas. Nous, nous pouvons proposer une approche qui combine la photogrammétrie, le lidar et la bathymétrie. Ce que les opérateurs non spécialistes ne peuvent pas offrir.»

L’avenir est aux machines
Répandus dans les airs, les robots sont aussi présents sur terre comme en mer. Demain, les drones marins pourraient devenir de précieux auxiliaires pour la bathymétrie. Les chiens robots, eux, sont appelés à intervenir en milieu confiné voire contaminé, dans des galeries inaccessibles ou des canalisations. L’avenir, c’est certain, s’écrira avec ces machines, pour peu que le cadre législatif évolue, estime Benoît Greuzat: «Il y a une vraie question autour de la réglementation. Surtout dans la mesure où nous, en tant que professionnels, la respectons scrupuleusement, ce qui n’est pas le cas de tout le monde...» On pourrait par exemple un jour voir des escadrilles de drones décoller des cabinets de géomètres-experts: «On le fait aujourd’hui sur des sites fermés, avec des drones stockés dans des valises, qui peuvent être activés à distance et qui sont en mesure de se recharger et de nous transmettre les données via Internet. Demain, peut-être, si la réglementation le permet, les drones pourront décoller du bureau et aller faire le travail sur place, sans que nous ayons à nous déplacer», imagine le géomètre-expert.



Survol par drone: une activité très réglementée

La réglementation française relative aux drones professionnels évolue pour s’adapter aux progrès technologiques et aux normes européennes.
Depuis 2024, tous les drones doivent être classés CE. Les appareils de moins de 250g appartiennent à la classe C0, tandis que les drones plus lourds sont répartis entre les classes C1 à C4, jusqu’à 25kg. Les opérations sont classées selon leur niveau de risque. 
La catégorie «Ouverte» concerne les vols à faible risque, autorisés sans formalités.
La catégorie «Spécifique» impose une évaluation des risques et une autorisation préalable. 
La catégorie «Certifiée», réservée aux opérations les plus sensibles, nécessite une certification de l’aéronef et une licence de pilote.
Les télépilotes professionnels doivent obtenir un certificat théorique et pratique, s’enregistrer sur la plateforme AlphaTango de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) et assurer leur drone contre d’éventuels dommages. Le survol de sites sensibles, comme les centrales nucléaires, bases militaires ou aéroports, est strictement interdit. La hauteur de vol est généralement limitée à 120m, sauf dérogation. En zone urbaine, des autorisations spécifiques sont requises. Les télépilotes doivent consulter les cartes aéronautiques pour éviter toute infraction.
Les drones équipés de caméras sont soumis au respect de la vie privée: filmer ou photographier une personne sans son consentement est interdit, et la diffusion d’images non autorisée peut entraîner des sanctions. Le non-respect des règles peut coûter jusqu’à 75.000 euros d’amende et un an de prison. 
(Source DGAC)





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Retrouvez ces articles et l’ensemble du dossier consacré à la robotique dans le magazine Géomètre n°2232, février 2025, en consultant notre page «Le magazine».