L’actu juridique – Novembre 2025

Retrouvez chaque mois une sélection des informations à retenir dans le domaine du droit immobilier et de la réglementation.
Le vendredi 31 octobre 2025
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Sélection issue de JurisHebdo Immobilier


 

SERVITUDE
L’usage trentenaire d’un passage écarte l’article 684 du Code civil

 

Cass. 3 civ., 2 oct. 2025, n°435 FS-B, pourvoi n°24-12.678 (cassation partielle)

 

Mme U., propriétaire d’un terrain enclavé, accédait depuis plus de trente ans à la voie publique par un chemin traversant la parcelle des consorts M. Ceux-ci ayant refusé la poursuite de cet usage, elle les a assignés, ainsi que Mme R. H., propriétaire d’un fonds voisin, pour voir reconnaître une servitude de passage. La cour d’appel de Bordeaux (18 janv. et 6 juin 2024) a estimé que l’enclave résultait d’une division de propriété et, en application de l’article 684 du Code civil, a fixé la servitude sur le terrain de Mme R. H., considérant que l’usage trentenaire du passage sur le fonds des consorts M. ne pouvait écarter la règle légale. Deux pourvois ont été formés, par Mme R. H. et les consorts M., la question étant de savoir si la prescription trentenaire d’un passage pouvait primer la règle de l’article 684.
La troisième chambre civile répond par l’affirmative: lorsque l’assiette d’un passage résulte d’un usage continu pendant trente ans, les dispositions de l’article 684 cessent de s’appliquer. La servitude s’impose alors sur le fonds effectivement utilisé, même s’il n’est pas issu de la division initiale. En statuant autrement et sans examiner toutes les pièces établissant la continuité de l’usage, la cour d’appel a violé les articles 684 et 685 du Code civil et méconnu l’article 455 du code de procédure civile. La Cour casse l’arrêt du 18 janvier 2024 en ce qu’il impose la servitude sur le fonds de Mme R. H. et annule, par voie de conséquence, l’arrêt du 6 juin 2024. L’affaire est renvoyée devant la cour d’appel de Toulouse.

 

À retenir
L’usage continu d’un passage pendant trente ans détermine l’assiette de la servitude. Dans ce cas, l’article 684 du Code civil devient inapplicable. La servitude peut être fixée sur un fonds non issu de la division. Le juge doit vérifier la continuité de l’usage au regard de l’article 455 CPC.

 


 

URBANISME
Procès-verbal d’infraction: le refus du maire s’apprécie à sa date

 

CE, 2e et 7e ch. réunies, 2 oct. 2025, n°503737, avis

 

Le Conseil d’État rappelle que la légalité du refus d’un maire de dresser un procès-verbal d’infraction d’urbanisme s’évalue au jour de ce refus. Selon l’article L.480-1 du code de l’urbanisme, le maire doit signaler toute infraction constatée: cette obligation ne disparaît ni avec le temps ni après régularisation. Le juge peut donc annuler le refus et ordonner l’établissement du procès-verbal, sauf si l’action publique est prescrite.

 


 

USAGE
Local commercial inexploitable: suspension des loyers sans mise en demeure

 

Cass. 3 civ., 18 sept. 2025, n°23-24.005, FS-B (cassation partielle)

 

Après un dégât des eaux rendant le local inutilisable, une locataire a cessé de payer ses loyers. La cour d’appel avait exigé une mise en demeure préalable du bailleur. La Cour de cassation censure: aucune formalité n’est requise pour invoquer l’exception d’inexécution. Si le bailleur manque à son obligation de délivrance et que le local devient impropre à son usage, le locataire peut suspendre le paiement des loyers sans mise en demeure (art. 1719 et 1728 C. civ.).

 


 

IMMOBILIER
Les gisements de carrières sont des immeubles par nature

 

CE, 8e et 3e ch. réunies, 17 sept. 2025, n°494888

 

Le Conseil d’État a tranché un litige opposant la société Eiffage à l’administration fiscale sur la déductibilité de provisions pour dépréciation liées à des filiales exploitant des carrières. L’administration, suivie par la cour administrative d’appel, avait estimé que les gisements ne constituaient pas des biens immobiliers, car destinés à être extraits, excluant ainsi ces sociétés du régime des sociétés à prépondérance immobilière. Saisi en cassation, le Conseil d’État rappelle qu’en vertu de l’article 518 du Code civil, les fonds de terre, y compris les gisements de carrières, sont des immeubles par nature, même s’ils sont destinés à être exploités. Leur vocation à disparaître n’altère pas cette qualification. En considérant le contraire, la cour a commis une erreur de droit. Cette clarification emporte des conséquences fiscales majeures: les sociétés détenant des carrières doivent être regardées comme des sociétés à prépondérance immobilière, avec les contraintes correspondantes en matière de déductibilité des provisions pour dépréciation de titres. L’arrêt de la cour administrative d’appel est annulé et l’affaire renvoyée. L’État est condamné à verser 3.000€ à la société Eiffage au titre des frais de procédure.

 

À retenir
Les carrières constituent des immeubles par nature (art. 518 C. civ.). Leur exploitation n’en modifie pas la qualification. Cette précision détermine le régime fiscal applicable aux sociétés concernées.

 


 

PATRIMOINE PUBLIC
Proposition de création d’une foncière de l’État

 

Prop. de loi n°1796, AN, 16 sept. 2025, Thomas Cazenave

 

Une proposition de loi déposée le 16 septembre 2025 par le député Thomas Cazenave (Renaissance) prévoit la création d’une foncière de l’État, chargée de gérer en pleine propriété une partie du patrimoine immobilier public. Objectifs: rationaliser l’occupation des locaux, moderniser et mettre aux normes énergétiques les bâtiments, et réduire de 25% les surfaces d’ici 2032. Cette réforme vise à optimiser la performance immobilière de l’État et à améliorer les conditions de travail dans les services publics.

 


 

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