La servitude de passage ne dessert que les fonds visés par l’acte

L’article 685-1 du Code civil prévoit l’extinction de la servitude de passage pour cause de désenclavement. «En cas de cessation d’enclave et quelle que soit la manière dont l’assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l’extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l’article 682. À défaut d’accord amiable, cette extinction est constatée par une décision de justice.» La vocation de cet article introduit dans le Code civil par la loi du 25 juin 1971 est de supprimer une charge pesant sur le fonds servant dans le cas où la servitude n’a plus d’utilité pour le fonds dominant, celui-ci se trouvant par ailleurs désenclavé. En effet la servitude légale de passage cesse si elle n’est plus utile, car son seul objet est l’utilité des particuliers et elle ne saurait survivre à la disparition de cette utilité.
L’enclave étant le fait générateur de la servitude de passage légale, celle-ci doit donc s’éteindre si l’enclave cesse. L’enclave cesse en particulier si la création d’une voie publique nouvelle rend l’accès direct possible. Elle peut également cesser si le propriétaire du fonds servant fait l’acquisition d’une parcelle contiguë elle-même desservie par une voie publique (1), et à condition qu’un passage puisse être commodément aménagé à travers les parcelles nouvellement achetées (2).
PAS D’ACCÈS À LA VOIX PUBLIQUE, PAS D’EXTINCTION DE SERVITUDE
Mais il convient d’être vigilant: un fonds reste enclavé lorsque son propriétaire acquiert ultérieurement une parcelle contiguë, elle-même desservie par une servitude de passage dont le titre prévoit que ce passage lui est spécialement affecté (3). «Mais attendu que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en relevant, par motifs propres et adoptés, que le droit de passage accordé à l’occasion de la vente de 1974 comportait une “affectation spéciale” et était uniquement destiné à la desserte de la parcelle cédée, et en en déduisant que l’état d’enclave de la parcelle numéro 113, dont M. X… était déjà propriétaire, n’avait nullement cessé.»
C’est ce que rappelle l’arrêt de la Cour de cassation du 7 mai 2025 (4). Dans cette affaire, M. et Mme N sont propriétaires d’une parcelle n°3 desservie par une servitude légale de passage grevant la parcelle n°2 de M. R prolongeant une servitude conventionnelle passant au sud de la parcelle n°5 appartenant à M. Z et Mme W. M. et Mme N acquièrent par acte du 25 janvier 2013 de M. Z et Mme W, les parcelles n°1 et n°6 qui jouxtent la parcelle n°3. L’acte prévoit que les parcelles vendues bénéficieront d’une servitude de passage dont l’assiette est fixée au nord de la parcelle n°5. M. R, soutient que la parcelle n°3 étant contiguë aux parcelles n°1 et n°6, elle est désenclavée par cette nouvelle servitude et demande en conséquence l’extinction de la servitude légale grevant sa parcelle n°2. Mais la cour d’appel de Nîmes dans un arrêt du 28 septembre 2023, puis la Cour de cassation dans sa décision du 7 mai 2025, considère que la servitude conventionnelle de passage créée par l’acte du 25 janvier 2013 ne bénéficie qu’aux seules parcelles n°1 et n°6 qui sont visées par le titre constitutif, et non à la parcelle n°3. Bien que les trois parcelles de M. et Mme N ne forment qu’un seul îlot de propriété, la parcelle n°3 ne dispose pas d’un accès à la voie publique et la servitude légale de passage grevant la parcelle n°2 de M. R n’est pas éteinte.
(1) Cass. 3 civ., 15 juin 2005, n°04-11.290.
(2) Cass. 3 civ., 30 juin 1981 n°80-13.324, bulletin.
(3) Cass. 3 civ., 4 janvier 1991, n°88- 19.949, bulletin.
(4) Cass. 3 civ., 7 mai 2025, n°23-22.810.