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Zéro artificialisation nette
La bataille du foncier fait rage

Contestée au Sénat, défendue par les experts, la politique du zéro artificialisation nette traverse une zone de turbulences majeures en ce début 2025. Si deux tiers des régions ont déjà adopté leurs schémas, le manque de moyens et une fiscalité inadaptée freinent encore l’action des élus locaux. Entre besoin d’ingénierie, nécessité d’une territorialisation du dispositif et appel à la stabilité juridique, l’avenir de nos sols et de notre résistance aux aléas climatiques se joue dans ce bras de fer politique.
Samuel Ribot | Le mercredi 30 avril 2025
Si l’impératif de ­sobriété foncière est globalement accepté, sa mise en œuvre fait l’objet de vifs débats. © Ph. Devanne / Adobe Stock

Comme si de rien n’était. Le 23 avril dernier, un article intitulé «Zéro artificialisation nette (ZAN): comment faciliter l’application de la loi?» était publié sur le site gouvernemental vie-publique.fr. Un texte inspiré du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale, qui omet en revanche totalement d’évoquer la loi Trace votée par le Sénat quelques semaines plus tôt. La question de l’artificialisation de nos terres, encadrée depuis 2021 par la loi climat et résilience, traverse pourtant des turbulences majeures depuis le début de l’année, avec pour point d’orgue ce détricotage du ZAN porté par les sénateurs. «Ce qui est en train de se passer va au-delà du ZAN, estime Margot Holvoet, déléguée générale de l’Institut de la transition. C’est une forme de backlash [offensive réactionnaire, Ndlr] généralisé sur les questions environnementales, avec des attaques sur le DPE, dont les avancées en matière de rénovation énergétique sont pourtant indéniables, sur les ZFE (zones à faible émission), contre l’Ademe ou l’Office de la biodiversité…»
Même si les options envisagées varient d’un camp politique à l’autre, certains constats émergent toutefois du remue-ménage actuel. D’abord, le fait que beaucoup de collectivités se sont engagées sur la voie de la sobriété foncière: les deux tiers des régions métropolitaines ont adopté ou sont en passe d’adopter leur schéma régional. Parce que la loi l’impose, certes, mais aussi parce que les élus sont conscients qu’il est urgent de reprendre la main sur leur développement en tenant compte d’enjeux directement liés à une artificialisation non maîtrisée: appauvrissement des sols, perte de biodiversité, exposition au risque climatique, attractivité du territoire, etc. Les chiffres viennent appuyer cette urgence: 24.000ha d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) sont consommés en moyenne chaque année; 9.5% du territoire était artificialisé en 2022, contre 5,7% en 1982 (c’est-à-dire une croissance trois fois supérieure à celle de la population). Deuxième constat partagé: les collectivités manquent cruellement de moyens pour réellement mettre en œuvre la sobriété foncière. La solution? Une réforme profonde de la fiscalité locale, «qui a été construite à une époque où l’artificialisation n’était pas un enjeu. Maintenant que c’en est un, il faut relire toute notre fiscalité à l’aune de cette exigence», plaide Jean Burkard, délégué général du WWF France et auteur d’un rapport sur la question.

Réformer sans abandonner les objectifs initiaux
C’est exactement la voie qu’explorent les députées Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy, auteurs du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale. «Il faut que nous élaborions une fiscalité à la main des élus, plaide la première, en luttant contre les incohérences, en supprimant des exonérations fiscales aux effets délétères et en généralisant les taxes sur les friches industrielles et commerciales.» Derrière cette révolution fiscale, il s’agit aussi de permettre la mise en œuvre de la territorialisation du ZAN, unanimement jugé comme «trop vertical» et «inadapté aux réalités du terrain». Une position que salue la présidente de l’Ordre des géomètres-experts Séverine Vernet, pour qui ce retour à la territorialisation serait «une mesure de bon sens».
Si la stratégie ZAN venait à être confirmée et la fiscalité à être réformée, il resterait encore, notamment pour les plus petites collectivités, une question cruciale à envisager: celle de l’ingénierie. Margot Holvoet: «Au-delà du sujet lié au modèle économique, il y a un très fort enjeu d’accompagnement. C’est ce qu’on retrouve d’ailleurs dans le rapport Le Feur-Pélichy, avec cette proposition de venir appuyer les collectivités, au niveau de l’intercommunalité, avec un soutien en matière d’ingénierie foncière». Une aide technique essentielle mais aussi un gisement potentiel d’activité pour les professionnels du secteur, dont les géomètres-experts spécialisés dans l’aménagement.
Dernier point de convergence entre les partisans du maintien de l’objectif de sobriété foncière: le besoin de stabilité et de sécurité exprimé par les élus de terrain. «Contrairement au discours porté par le Sénat, beaucoup d’élus se sont mis en ordre de bataille pour appliquer le ZAN, observe la déléguée générale de l’Institut de la transition foncière. Quasiment tous les Sraddet ont été modifiés, les Scot sont en cours, un grand nombre de PLUi se sont mis en conformité… Le risque qu’on prend avec un abandon du ZAN, c’est celui d’une grande insécurité juridique. Comment est-ce qu’on se projette dans l’aménagement du territoire alors qu’il faut trois ou quatre ans pour modifier un Sraddet, deux ans pour modifier un PLU? On va dire à tous ces gens qui ont travaillé pendant des années: en fait, il faut tout recommencer? Au prétexte de simplifier la vie des élus, on risquerait de leur ajouter quatre ans de travail et un risque juridique majeur en matière d’urbanisme.»





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Retrouvez ces articles et l’ensemble du dossier consacré au ZAN dans le magazine Géomètre n°2235, mai 2025, en consultant notre page «Le magazine».