Immobilier
DPE : des failles inquiétantes, selon la Cour des comptes

Opposable depuis 2021, le diagnostic de performance énergétique (DPE) est devenu un passage obligé des transactions et locations immobilières. Mais sa fiabilité et sa mise en œuvre soulèvent de sérieuses réserves, selon la Cour des comptes, qui a publié un rapport le 3 juin.
Le nombre de DPE a triplé en cinq ans, et les diagnostiqueurs se sont multipliés. Pourtant, la réforme de 2021 a été engagée «sans étude d’impact», déplore Pierre Moscovici. Résultat: effets mal anticipés sur les prix, exclusion des passoires thermiques du marché locatif, et incertitudes persistantes dans les méthodes, surtout pour le bâti ancien.
Le rapport dénonce des pratiques parfois douteuses: diagnostics réalisés à la hâte, documents manquants, pressions de propriétaires, formation insuffisante. En 2023, 70% des contrôles ont révélé des anomalies. S’ajoutent des conflits d’intérêts dans la filière, où certains certificateurs forment aussi les professionnels.
La Cour appelle l’Etat à reprendre la main sur un dispositif devenu «stratégique» et mal articulé avec les autres politiques publiques, notamment en copropriété. Elle émet six recommandations, dont un renforcement du contrôle, une meilleure information et la création d’une carte professionnelle.
Une articulation encore floue avec les autres politiques publiques
Le DPE s’inscrit au croisement de multiples régulations (urbanisme, copropriété, aides publiques) qui peinent à être coordonnées. «Le dispositif devrait être mieux articulé avec les autres réglementations», estime la Cour. Les auteurs insistent en particulier sur les blocages en copropriété: dans nombre de cas, les travaux nécessaires à une meilleure performance énergétique ne peuvent être votés faute de majorité. Ce qui pénalise les bailleurs et ralentit les rénovations.
Des effets sur le marché immobilier
Les effets économiques du DPE sont d’ores et déjà mesurables: le stock de logements à louer classés F ou G a chuté de 33% entre 2021 et 2023, contre -22% pour les logements mieux notés. La Cour évoque également la «valeur verte»: une étiquette A ou B majore la valeur des logements de +4% à +20% selon les régions. A l’inverse, les passoires thermiques sont de plus en plus nombreuses à être mises en vente, leur part passant de 11% à 18% en deux ans sur le marché de l’ancien. Malgré cela, le rythme des rénovations reste insuffisant. La France comptait encore près de 5,8 millions de passoires thermiques en 2024, dont 1,3 million dans le parc locatif privé. Pour atteindre l’objectif de rénovation à l’horizon 2030, près d’un million de logements devraient être rénovés chaque année, un objectif encore hors de portée.