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Urbanisme
Reconquérir nos entrées de ville

Enseignes criardes, ronds-points, parkings, files de voitures : nos entrées de ville racontent un modèle d’aménagement aujourd’hui à bout de souffle. Mais ces espaces offrent aussi de nouvelles opportunités. A l’heure des mobilités douces, du verdissement urbain et de la sobriété foncière, un basculement s’opère, et des opportunités émergent pour les professionnels de l’aménagement.
Samuel Ribot | Le vendredi 11 juillet 2025
© altitudedrone / Adobe Stock

Impossible de les rater. Discrètes, trop rarement, anarchiques, trop souvent, bariolées, embouteillées, surfréquentées, pas toujours bien agencées… Elles, ce sont nos entrées de ville. Autrefois, pénétrer en milieu urbain consistait à découvrir d’abord un panneau indiquant le nom de la commune, puis quelques habitations, ensuite un clocher, une mairie, une place, un marché… Depuis les années 1970, les entrées de nos villes sont dévolues à la circulation automobile ou au commerce, voire aux deux. Mais aussi, il ne faut pas s’y tromper, des opportunités de consommation, de l’emploi, de la production de richesse et, finalement, un modèle plébiscité, puisque c’est là que se fait 72% de la consommation nationale. Là aussi que 64% des Français se rendent au moins une fois par mois. Pour autant, le modèle de l’entrée de ville commerciale qui a prévalu ces dernières décennies est condamné. Dans un contexte où l’usage systématique de la voiture individuelle est remis en cause, où la consommation doit se réinventer et où les citoyens réclament davantage d’espaces verts, de lieux publics apaisés et de mobilités douces, les initiatives – appuyées avec plus ou moins de succès par l’Etat – se multiplient.

Un foncier très convoité
Et pour cause: «Il y a dans ces zones un espace foncier très convoité, qu’il faut totalement réinventer», observe David Nicolas, géomètre-expert dans le Morbihan. En France métropolitaine, on parle d’un potentiel constitué de quelque 3.800 sites représentant 80.000ha. Les intentions sont certes là, mais l’affaire peut vite se révéler aussi technique que coûteuse. «La délimitation du foncier, les enjeux hydrauliques, les pentes, les emprises de voies: tout cela demande une parfaite connaissance des enjeux et une maîtrise avérée des spécificités techniques et juridiques», poursuit le professionnel, dressant en creux le portrait d’un géomètre-expert spécialisé en aménagement et en urbanisme.
Pour être en mesure de les réinventer, la connaissance des spécificités de ces zones est donc essentielle. Et c’est parce qu’il était urbaniste de formation que le maire de Montigny-les-Corailles, aujourd’hui décédé, a pu initier un ambitieux projet: transformer une artère commerciale longue d’1,5km en un véritable centre-ville. Le projet s’inscrit dans la volonté affichée par l’Etat de financer l’effort nécessaire pour en finir avec «la France moche», ce cruel sobriquet naguère attribué aux entrées de villes commerciales par deux journalistes. De gros opérateurs se sont engouffrés dans la brèche. C’est le cas du distributeur Carrefour et du promoteur Nexity, qui ont créé un véhicule de portage foncier chargé de réinventer à terme 76 parkings et/ou friches commerciales.

Une opportunité 
En dézoomant, on voit aussi apparaître un autre enjeu: transformer nos entrées de ville, c’est «une opportunité pour repenser la ville de demain», estime l’architecte et urbaniste Anne Démians. Encore faut-il pour cela réviser ses schémas de pensée et «ne pas réfléchir uniquement en termes de dépenses mais aussi – et surtout – en termes d’investissement», précise la spécialiste. Cette volonté, une collectivité vient de l’afficher haut et fort. La métropole de Bordeaux a lancé, le 8 juillet, une consultation internationale destinée à imaginer l’évolution des six «portes métropolitaines». A l’image de nombreuses autres zones de ce type, les portes d’entrée de la métropole bordelaise affichent des carences structurelles évidentes, listées ainsi par la collectivité: «espaces inaccessibles aux piétons, absence de végétation, monofonctionnalité commerciale, nappes de parking sur plusieurs hectares, forte proportion d’îlots de chaleur, artificialisation excessive, etc.». «Longtemps orientées vers la grande distribution et les flux routiers, ces zones – largement monofonctionnelles et peu qualitatives – sont désormais confrontées à des mutations urbaines majeures. Elles deviennent des espaces stratégiques pour accueillir de nouvelles fonctions urbaines et reconfigurer l’image d’entrée de la métropole», indique la collectivité dans son plan d’action. La métropole va faire plancher des équipes pluridisciplinaires qui devront réfléchir à la transformation de ces accès, lesquels représentent une surface de 7.000ha et abritent 150.000 habitants. Ce type d’opération peut-il se multiplier? Au regard de l’évolution des besoins en matière de foncier, des changements d’habitudes des habitants des villes, des effets du changement climatique et de la pénurie de logements, la réponse paraît évidente. Les opportunités sont donc là, comme le confirme David Nicolas: «Le géomètre-expert peut être le chef d’orchestre d’un aménagement de qualité. Il peut être ce professionnel qui conjugue maîtrise foncière, technique et concertation. C’est une compétence rare. Il faut oser la revendiquer, se structurer en conséquence, et construire des alliances intelligentes. Derrière ces entrées de ville, il y a des enjeux de cadre de vie, de mobilité, de nature en ville et de revitalisation économique».