Logement

Face à la crise, la nécessaire réaction

L’impasse dans laquelle se trouve le secteur du logement est désormais une réalité sociale, économique et politique qui touche toutes les strates de la société. Face au mal-logement, à la flambée des prix, au désengagement de l’État et à la frilosité des investisseurs, les acteurs du secteur appellent à une relance urgente.
| Le lundi 1 septembre 2025
© Nancy / Adobe Stock

On ne pourra pas dire qu’elle n’avait pas été annoncée. Malgré les alertes, les plans de relance et les appels répétés des professionnels du secteur, la crise du logement est bien là, exposée aux yeux de tous. La situation est inédite et d’une rare intensité. 2,8 millions de ménages attendent un logement social, près de 4 millions de personnes vivent en situation de mal-logement (fondation Abbé Pierre, rapport 2024) et, pour beaucoup d’autres, il ne reste que le choix de se «loger par défaut», faute d’offre suffisante et face à des prix devenus prohibitifs. La population, qui rêve toujours de propriété, est gagnée par la frustration. «Les trois quarts des Français pensent aujourd’hui que la propriété est désormais réservée à une élite. Une perception à l’origine de son malaise identitaire, alliant sentiment de déclassement et perte de confiance en l’avenir», alerte l’Institut Montaigne dans un rapport daté du 27 août 2025. Le chantier est immense: le Service des données et études statistiques (SDES) estime qu’il faudra construire 4 millions de logements supplémentaires d’ici 2050. En 2024, seuls 250.000 ont été mis en chantier, un niveau historiquement bas, inférieur de 47% à celui de 2021 (470.000) et comparable à celui des années 1950, alors que la population française comptait 20 millions d’habitants de moins qu’aujourd’hui.
Derrière ces chiffres se cache une réalité sociale, économique et politique brutale: projets immobiliers suspendus, entreprises qui licencient, logement social affaibli et acteurs de la construction dans l’attente d’un rebond qui ne vient pas. Les causes conjoncturelles sont identifiées: flambée du coût des matériaux, renchérissement du crédit, fin du dispositif Pinel, empilement des normes, impréparation face au DPE… Mais les racines de la crise sont plus profondes. La part du logement dans le budget des ménages a explosé, réduisant mécaniquement leur capacité d’acheter. «Les prix ont progressé de 160% depuis les années 2000 quand les revenus, sur la même période, n’ont augmenté que de 29%», rappelle le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un rapport daté de juillet 2025. Un effet pervers lié aux taux anormalement bas qui ont prévalu jusqu’en 2022 et ont mécaniquement dopé les prix. À cette tension s’ajoute le désengagement de l’État, autre acteur central du secteur. La dépense publique en faveur du logement est passée de 2,2% du PIB en 2010 à 1,5% en 2023 (SDES, Cour des comptes).

 

UN ENJEU DE COHÉSION SOCIALE ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Le privé n’est pas en reste. Au deuxième trimestre 2025, les réservations de logements neufs par des particuliers ont reculé de 8,7% sur un an (Fédération des promoteurs immobiliers, 2025). La disparition du dispositif Pinel, en décembre 2024, a asséché la demande des investisseurs, divisée par six depuis 2019. En parallèle, l’essor des locations touristiques de courte durée a encore réduit l’offre disponible pour les ménages, resserrant l’étau sur les locataires comme sur les accédants. «Si aucune décision n’est prise, dans dix ans la France comptera moins de 50% de propriétaires — une première depuis des décennies», prévient Loïc Cantin, président de la Fnaim. Parmi les solutions avancées: la création d’un statut du bailleur privé, l’extension du prêt à taux zéro, la portabilité des crédits immobiliers. Les promoteurs, eux, appellent à une stabilisation des normes et à l’élaboration d’un cadre fiscal incitatif pour ramener les investisseurs. Tous s’accordent sur une évidence: il y a urgence. Relancer la production de logements ne relève pas seulement d’un impératif sectoriel: c’est un enjeu de cohésion sociale, de développement économique, de transition écologique et de stabilité des territoires.
Dans ce contexte, les géomètres-experts choisissent d’aborder la crise par un autre angle: le foncier. «Tout logement commence par une emprise foncière», rappelle leur présidente, Séverine Vernet. Souvent présenté comme une contrainte, le zéro artificialisation nette (ZAN) peut ainsi se transformer en moteur à travers le recyclage des friches, la reconversion des zones commerciales sous-utilisées ou la densification douce des centres-bourgs, déjà desservis et équipés. Il s’agit aussi de repenser l’ingénierie foncière en sortant d’une logique strictement parcellaire, en privilégiant un urbanisme de projet et en simplifiant des procédures unanimement jugées lourdes voire absurdes. Pour donner corps à cette ambition, l’Ordre des géomètres-experts a d’ailleurs annoncé le lancement d’une mission «habitat-logement», chargée d’apporter des propositions concrètes face à une crise sectorielle qui aura besoin de toutes les énergies pour être résorbée.

 

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