Habitat

Cadre de vie : l’impossible équation ?

Marché immobilier grippé, contraintes financières croissantes, montée de la préoccupation climatique, demande toujours plus forte de sécurité et de confort: le dernier baromètre de l’Observatoire national du cadre de vie esquisse un rapport toujours aussi complexe des Français avec leur territoire.
Samuel Ribot Le dimanche 28 décembre 2025
© Orbon Alija / iStock

C’est un de ces paradoxes dont le peuple français a le secret. Jamais les habitants du pays — plus de huit sur dix — ne se sont dits aussi satisfaits de leur cadre de vie. Dans le même temps, ils n’ont jamais été aussi nombreux à envisager… d’en changer (38% des sondés). C’est la première observation qui frappe à la lecture du dernier baromètre de l’ONCV, ou Observatoire national du cadre de vie (1), réalisé par l’institut de sondage OpinionWay en fin d’année dernière. Au-delà du paradoxe, cette tension dit quelque chose d’un rapport au territoire devenu plus instable, soumis à des contraintes multiples et parfois difficilement conciliables.
Les attentes exprimées, elles, restent en revanche remarquablement constantes. La sécurité arrive ainsi en tête des critères jugés essentiels par 52% des répondants, suivie de la qualité et du confort du logement (49%) et du calme (48%). Ce triptyque dessine une aspiration générale à évoluer dans un cadre de vie protecteur, centré sur l’intime et la maîtrise de son environnement immédiat. Le logement apparaît désormais moins comme un simple lieu d’habitation que comme un refuge, un espace censé amortir les incertitudes économiques, sociales ou climatiques.
Or, ce besoin de protection se heurte de plus en plus frontalement à la réalité d’un marché immobilier quelque peu déboussolé. Trois quarts des Français indiquent que la conjoncture actuelle les décourage d’acheter (76%) ou même de chercher un nouveau logement à louer (77%). Près d’une personne sur cinq déclare avoir renoncé, ces derniers mois, à un projet de déménagement pour des raisons liées au marché. Ces chiffres dessinent en creux une forme d’assignation résidentielle, où les choix sont moins guidés par les préférences que par les capacités financières et l’accès au crédit. Alors que le logement est la première brique de l’indépendance et que la pierre reste le refuge phare en matière de patrimoine, cette posture attentiste, voire défaitiste, alimente les frustrations et peut avoir des conséquences majeures sur le plan social.

 


 

© qunica.com / Adobe Stock

 


 

LA DENSITÉ TOLÉRÉE SOUS CONDITION

À ces contraintes économiques — déjà identifiées mais en forte progression — s’ajoute un paramètre longtemps resté périphérique: le changement climatique. Si seuls 28% des Français affirment avoir pris en compte le climat dans le choix de leur lieu de vie actuel, ils sont désormais 55% à estimer qu’il pèsera sur leur prochain déménagement. Une vraie bascule, qui devrait s’accélérer. Les événements climatiques extrêmes sont cités par 84% des répondants comme susceptibles d’avoir un impact sur leurs choix, devant la qualité de l’air (60%), le coût énergétique (52%) ou le risque d’inondation (51%). Sans être encore un critère prioritaire, le facteur climatique s’impose progressivement dans les choix des Français. Cette prise de conscience n’est toutefois pas homogène sur le territoire. Elle varie selon les régions, les types d’habitat et les générations. Le climat agit en fait moins comme un déclencheur immédiat que comme un arrière-plan anxiogène, appelé à peser de plus en plus lourd dans les décisions à venir.
Dans ce contexte, les politiques publiques d’aménagement ne sont pas toujours comprises. L’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) demeure largement méconnu: seuls 24% des Français déclarent en avoir entendu parler. Pourtant, lorsqu’elles sont formulées concrètement, certaines contraintes associées à la sobriété foncière sont plutôt bien accueillies. Ainsi, 58% des sondés accepteraient de n’accéder qu’à des logements anciens rénovés, 53% renonceraient à construire en zone isolée, et près de la moitié se disent prêts à vivre dans une maison mitoyenne ou à partager des espaces extérieurs. En revanche, seuls 38% adhèrent à l’idée de vivre dans une zone plus dense, et 67% continuent de préférer des villes moins denses et plus étalées…
Ces résultats traduisent moins un rejet frontal des objectifs environnementaux qu’une acceptation sous condition, étroitement liée à la manière dont ces transformations affectent le cadre de vie. La densité est ainsi tolérée lorsqu’elle est discrète, qualitative, négociée, mais rejetée dès lors qu’elle devient visible, subie ou associée à une dégradation du quotidien. Ce que révèle finalement ce baromètre, ce n’est peut-être pas tant une crispation que l’avènement d’une période de transition: à en croire les chiffres, une partie des Français semblent aujourd’hui prêts à accepter certaines contraintes et à intégrer de nouveaux critères dans leurs choix résidentiels. Sur le papier, en tout cas…


(1) Fondé en 2019 sous l’impulsion de l’Ordre des géomètres-experts.

 




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