Réconcilier la ville avec ses habitants

Dans quelques mois, nos villes ont rendez-vous avec leur avenir. Les élections municipales, moment fort de la vie démocratique, placeront aux commandes de nos communes les élus qui les guideront vers 2032, voire 2033 pour cause d’élection présidentielle. Ce mandat charnière inscrira nos espaces urbains sur orbite en vue d’une échéance essentielle: l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Adaptation au changement climatique, optimisation de l’espace foncier disponible, protection de la santé des habitants, développement d’une offre de mobilités douces et efficaces: les chantiers ne manquent pas, et s’inscrivent en outre dans un contexte marqué par l’exigence de plus en plus forte d’une participation citoyenne systématique en matière de choix structurants.
«Pour le mandat qui vient, on n’en est plus à réfléchir à des plans, prévient l’urbaniste Sylvain Grisot, ce mandat doit être celui du “faire”». Et cela d’autant, souligne-t-il, que «la ville de 2050 est déjà là à 85%». Les chantiers sont identifiés, les solutions également. Plus largement, dans la perspective de villes toujours plus attirantes, c’est l’expérience globale des habitants qu’il faut améliorer, et cela passe par une modification profonde des modèles qui ont prévalu depuis le début des années 1960. Irrémédiable même si encore contestée, la piétonnisation des centres-villes — et plus globalement l’apaisement des rues — pose ainsi frontalement la question de la place de l’automobile. Le pays compte aujourd’hui 39,7 millions de voitures particulières et 6,5 millions d’utilitaires (source ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation), et l’électrification du parc — combattue avec une vigueur nouvelle par les lobbies automobiles — ne résoudra pas tous les problèmes. Le développement de l’autopartage, des mobilités douces et, surtout, des transports en commun doit donc être un axe fort des équipes municipales qui seront élues ou reconduites en mars prochain.
Désimperméabilisation des sols et fraîcheur en milieu urbain : des thèmes centraux. © Bim / Adobe Stock
L’avenir des villes se jouera aussi… Sous nos pieds. Dans une France qui se dirige vers une augmentation de la température moyenne de l’ordre de 4°C à l’horizon 2100 (+1,7°C en 2023), les thématiques de la désimperméabilisation des sols et du retour de la fraîcheur en milieu urbain seront à coup sûr centrales. Face aux deux risques associés, l’inondation et la canicule en milieu urbain, des solutions ont déjà été éprouvées de par le monde. Mais c’est toute une philosophie de la construction qu’il faut réinventer. Certains n’ont pas attendu: la ville de Douai (Nord) a lancé son chantier dès le début des années 1990, avec des résultats aujourd’hui spectaculaires.
LA FABRIQUE DE LA VILLE NE PART PAS DE ZÉRO
Corollaire de la question automobile comme de la question environnementale, la santé des urbains se place de facto au cœur des futures politiques municipales. Non seulement il s’agit là d’un facteur décisif pour les populations concernées, mais il semblerait de surcroît que cette approche — totalement liée à l’approche environnementale — soit mieux acceptée par les opinions qu’une écologie considérée à tort ou à raison comme «punitive». Les Nations unies ont même développé un concept: l’urbanisme favorable à la santé (UFS), dont l’idée directrice est que «l’aménagement du territoire et les services proposés» doivent contribuer à «éloigner les populations de tout ce qui est nocif pour la santé».
Pour mettre en œuvre l’ensemble de ces stratégies, il faudra évidemment une volonté politique. Mais la fabrique de la ville ne part pas de zéro. L’urgence climatique, les exigences citoyennes, le besoin de nature, la nécessaire attractivité économique sont autant de puissants leviers, qui peuvent en outre s’appuyer sur du concret. «Plan arbres» à Toulouse, Strasbourg ou Lyon, réduction de l’espace automobile à Paris, développement et gratuité des transports en commun à Montpellier, désimperméabilisation des sols à grande échelle à Douai… «Les initiatives existent, confirme Sylvain Grisot. L’enjeu est de réussir à les organiser en système puis de mener à bien la phase d’exécution en faisant preuve d’intelligence collective.» Sur le plan stratégique, «la maîtrise des plans de circulation, le développement de la biodiversité, la gestion des eaux pluviales et le travail sur la densité du bâti» peuvent constituer autant d’axes structurants à l’heure de définir des propriétés à l’échelle de la ville, estime Philippe Pacaud, géomètre-expert.
Le mandat municipal qui débutera en 2026 sera déterminant. Alors que le mode de vie urbain continue d’asseoir sa domination, les citoyens aspirent à vivre dans une ville libérée de la pollution, protégée des intempéries et apte à retisser du lien social. Un chantier aussi essentiel qu’urgent.
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Retrouvez ces articles et l’ensemble du dossier consacré à l’avenir de la ville dans le magazine novendi n°2, octobre 2025, en consultant notre page «Le magazine».